Pour mon atelier de Saint Julien, après avoir rêvé de la cuisson à la flamme depuis des années, sans oser me lancer (la peur d’avoir un paramètre de plus à gérer ; l’ambiance chimique dans la chambre), je me suis enfin offert un four à gaz d’occasion.
. Il s’agissait d’un four cloche classique (type Transfair) à peine modifié et dont la carcasse était en bon état. Il permettait un chargement facile et ne semblait pas trop difficile à piloter pour débuter dans les cuissons à la flamme.
Malgré l’absence de sécurités, j’ai fini par prendre en main les 4 brûleurs à air induit. J’utilisais encore souvent la cabine de pulvérisation (qu’on voit sur la photo de gauche) pour émailler mes céramiques utilitaires.
J’avais passé bien des années à travailler sur les émaux de cendres et des recherches d’émaux nouveaux. J’aimais beaucoup cette recherche.
Le passage à la sculptures, a priori honnie lors de ma formation à la Maison de la Terre (actuellement Maison de la Céramique) de Dieulefit (2003-2004) s’est fait grâce (au sens propre) à la rencontre tout à fait fortuite avec l’ACDA, une association d’artistes de St Egrève, à 70 km de mon atelier, où j’ai eu l’occasion de voir des modèles vivants posant en mouvement d’une manière si « vivante » que j’ai fini par y aller chaque semaine et que j’y ai débuté, d’abord timidement, une production de petites sculptures céramiques.
Quand j’ai débuté mes cuissons dans mon nouvel atelier de Saint Julien, j’ai poursuivi pendant quelques temps une production conjointe de pièces utilitaires et de petites sculptures céramiques.
A cette période, mon four cloche avait un volume utile d’environ 300 litres et était chauffé par 4 brûleurs à air induits
Dès que mes sculptures étaient suffisamment sèches, elles étaient chargées avec quelques bols, vases ou saladiers sur lesquels j’expérimentais souvent des « rouges de cuivre ».
C’étaient alors de cuissons relativement « sages », qui duraient entre 13 et 15 heures et où le travail sur les émaux imposaient une certaine homogénéité de la chambre du four et répétitivité des courbes de montée en température et des réglages de l’ambiance chimique.
L’immense majorité du temps, je fais des cuissons en assez forte réduction. C’est à dire que j’étouffe la flamme en limitant la quantité d’air que le lui donne pour s’alimenter.
Ainsi, cette flamme, pour « survivre », doit-elle chercher de l’oxygène partout où elle peut. Elle en trouve un peu dans la terre elle-même, qu’elle « réduit » de son oxygène en le dévorant pour rester vivante.
Dans ces circonstances, la combustion est difficile, et monter en température dans la chambre est tout un art.
Par contre, dès que les gaz imbrûlés dans la chambre atteignent la cheminée ou l’air extérieur, ils s’enflamment alors librement. C’est ce qui donne cet effet, en fin de cuisson, quand la cheminée en acier inoxydable (heureusement !) vire au rouge en sortie de chambre.
Assez rapidement, j’ai « mal tourné », et mes sculptures sont devenue de plus en plus imposantes. Il m’a fallu augmenter les dimensions latérales de mon four pour accueillir, ici, la première version de ma grande sculpture murale « Kateline », qui pour la première fois eut été plus grande que moi une fois déployée.
C’est aussi le moment où j’ai cessé de faire de la céramique utilitaire, et où j’ai commencé à travailler sur le concept d’inhomogénéité du four pour une « carnation » de mes sculptures.
Le volume utile de mon four ayant déjà été considérablement augmenté, la puissance de chauffe des 4 brûleurs à air pulsés s’est retrouvée insuffisante.
Ceci avait été aggravé par les modifications visant à déstabiliser les ambiances chimiques de la chambre en introduisant des sources d’air par le haut de la cloche.
Il m’est arrivé de conduire des cuissons très longues, … trop longues …
Quand j’en suis arrivé à peiner à en terminer une après 32 heures de chauffe, je me suis décidé à travailler sur les puissances et les technologies des brûleurs. J’ai acquis un brûleur à air pulsé de 60 kW qui m’a ramené à des temps de chauffe à peu près raisonnables.
Comme j’ai conservé trois des brûleurs à air induit, et que j’ai voulu soigner les dispositifs de protection et de sécurité du four, les moyens de pilotage sont devenus un peu plus complexes, et assez délicats à faire fonctionner.
Déjà depuis un moment, mes petits « miracles » des zones inhomogènes du four m’avaient convaincu que cette démarche était riche d’avenir pour mon travail sur la nudité, puisqu’elle permet de donner directement une multitude de nuances à la simple terre mélangée, et à disposer d’une « peau » très vivante qui accompagne les mouvements internes de mes sculptures.
C’est depuis cette époque que je considère mon four non plus comme un outil, mais comme un partenaire, car il est maintenant un artiste à part entière, avec sa propre créativité, et son propre « sale caractère », dès fois …
J’ai passé une partie de l’année 2017 à travailler sur un projet démesuré. C’était ma troisième ‘Tour de Vie ». La première avait été cuite dans le four de mon amie Ann’Cé, car le mien ne pouvait pas l’accueillir à l’époque, la seconde a été cuite dans mon four, mais avec une technique réduisant la hauteur de chaque élément.
Pour la troisième, j’ai dû modifier de nouveau mon four pour que la chambre puisse englober l’ensemble des 4 éléments d’un mètre de haut environ. L’ensemble du chargement était alors de l’ordre d’un mètre cube.
La cuisson a été longue et très délicate, mais le résultat était à la hauteur des 11 mois de travail sur la sculpture et de modification du four. Je doute qu’une folie de ce genre existe ailleurs.
Depuis cette cuisson, j’ai de nouveau modifié le four en adjoignant un second brûleur à air pulsé de 60 kW, que je mets en service indépendamment quand la chambre est trop volumineuse. Je suis persuadé que ce four est probablement unique au monde.