Le Prix de mes Sculptures

Considérations sur les coûts, les prix, la valeur…

 

1 – INTRODUCTION

Quand je considère la question du prix de mes sculptures, j’ai en tête que, même si le coût est une dimension à laquelle on peut souvent accéder par le calcul, le paramètre le plus pertinent à mes yeux est leur valeur.
Le prix, lui, n’est qu’une déclinaison du coût et de la valeur, nécessaire pour la pratique de la vente ; une tentative de compromis entre le calcul du coût, l’estimation de la valeur et la nécessité d’échanger des sculptures contre de l’argent afin de me permettre de vivre en société occidentale. Ce prix est une grandeur fluctuante qui peut dépendre d’une multitude de  circonstances temporelles, culturelles, géographiques … Il n’est pas facile de l’appréhender objectivement tant les paramètres qui l’influencent sont multiples … et souvent insaisissables.

Aujourd’hui, la conclusion de mes considérations à ce sujet est que le prix de mes sculptures est inférieur à leur coût objectif.
A mon avis, c’est une anomalie sociale dont j’espère que nous prendrons collectivement conscience suffisamment vite, d’une part pour que les artistes et artisans d’art puissent avoir une place reconnue permettant de vivre dans la société (et non seulement « survivre » comme c’est le cas pour beaucoup actuellement), mais aussi et surtout pour que les humains puissent perdurer et s’épanouir dans leurs dimensions humaines et sensibles, autrement que sous une forme assimilable à des robots qui « fonctionnent » plus ou moins bien.

L’idéal serait que les prix intègrent une valeur de « création originale », ajoutée bien évidemment au coût lui-même.
Cela déboucherait naturellement sur un prix raisonnablement supérieur au coût, de manière que l’artiste puisse vivre « suffisamment confortablement » au sein de la société de par cette « reconnaissance » de la créativité.
Pour ma part, je ne suis pas dans l’attente d’une renommée qui confère des prix exorbitants à mon travail. Cette situation serait artificielle et globalement nuisible pour tout le monde. En effet, des prix « démentiels » et difficilement justifiables comme on peut en observer dans le marché de l’art pour les artistes « de grande renommée » font du tort à l’ensemble des acteurs ; aussi bien aux acheteurs à ce prix (qui ne peuvent en général pas profiter benoitement de la présence de l’œuvre d’art, tellement chère qu’elle doit être mise au coffre-fort), qu’au reste du public qui n’est plus en mesure d’apprécier sainement, selon leurs goûts, la qualité relative des différentes œuvres d’art. Cela nuit aussi aux artistes banals, dont je fais partie, puisque cette manne est concentrée sur quelques œuvres montées en épingle au lieu d’être répartie entre des centaines d’autres œuvres et artistes. Finalement, je suis persuadé que les artistes vendant des œuvres à ces prix démesurés n’en sont pas plus épanouis dans leur humanité (la plupart, d’ailleurs, sont déjà morts).

Dans la suite, pour clarifier et quantifier les choses, Je me contenterai d’orienter ces considérations au sujet des prix et des valeurs sur les sculptures. Pour illustrer le cas général, on se concentrera sur l’exemple d’une sculpture de taille moyenne dans ma production (une cinqantaine de centimètres de haut), d’une masse d’environ 20 kg.

2 – CONSTITUANTS DE LA VALEUR D’UNE SCULPTURE 

Une sculpture peut être caractérisée par sa valeur, qui comprend une dimension de coût « objectif », et une « valeur intrinsèque », propre à l’objet original artistique créé, qui est plus difficile à quantifier.

 

  2.1 – ESTIMATION DU COUT OBJECTIF D’UNE SCULPTURE

     2.1.1     – Les matériaux – 20€

Il y a la terre, bien entendu, les argiles de grès que j’achète en grande partie (j’en prélève une quantité très limitée dans mon pré, que je mélange de manière symbolique et homéopathique à mes grès). Il faudrait aussi considérer une part du coût du moyen de transport pour aller la chercher à Lyon et/ou le prix (ou de la valeur) du transport jusqu’à mon atelier si je la fais livrer.

La valeur de la terre serait tout un débat, mais contentons nous de parler du prix auquel je l’achète. C’est environ 1€ par kg, pour simplifier les choses, et nous négligerons les détails du transport car là n’est pas l’essentiel.
Donc, pour une sculpture qui pèsera environ 20 kg finie, on en aura environ pour 20€ de terre. 

Comme mes sculptures sont en grès nu, je n’utilise quasiment aucun autre matériau, si ce n’est le gaz de cuisson.

     2.1.2 – Les matériels – 44€

J’utilise quelques outils de base pour travailler la terre, très bon marché en général, ou que je fabrique moi-même. Ils s’usent, surtout parce que j’utilise des argiles chamottées qui sont très agressives pour les métaux et le bois.
En première approximation, cette dimension reste négligeable dans la valeur finale des sculptures (mais on pourrait considérer que la valeur d’un outil développé et fabriqué est importante dans la valeur de l’objet final).

J’ai de nombreux outils annexes pour le façonnage, des stèles plus ou moins bricolées, des éclairages, … tout cela aussi est négligé à ce stade.

J’ai surtout un four à gaz d’assez belle dimension, énormément modifié et probablement unique au monde dans sa technologie. Celui dont je dispose depuis 2005 est un four cloche qui permet, après transformation, de cuire environ 1m3. Il a deux brûleurs à air pulsé et trois brûleurs à air induit. Son unicité fait en grande partie sa valeur. S’il existait dans le commerce, il coûterait bien plus de 15 000€. En fin 2020, il en est à sa 83éme cuissons, et commence à être en fin de vie.
Si l’on considère qu’il devrait être amorti cette année (je suis en train de chercher son remplaçant), que chaque cuisson comporte en moyenne 5 sculptures de taille moyenne équivalentes à 20 kg, on arrive à un coût d’amortissement du four de 36€/sculpture. (15000/83×5)

Le prix de la cuisson elle-même comporte le gaz et le temps que je passe en surveillance. On négligera le temps, même s’il n’est parfois pas négligeable en tant que fatigue (chaque cuisson dure environ 25 heures en moyenne). Pour ce qui est de la consommation, je fais environ 28 cuissons avec un plein de gaz à 1200 €, soit 43€ par cuisson. La consommation de gaz est donc d’un peu plus de 8€ (43€/5sculpt) par sculpture moyenne.

Travaillant dans la masse et vidant les sculptures, je recycle une grande quantité de terre. J’ai donc un peu de matériel, et principalement une boudineuse. C’est un matériel coûteux, mais robuste et qui durera longtemps (Inch Allah !). Le coût de son amortissement est négligé pour cette approximation. Par contre, le temps que j’y passe est considérable et sera vu par la suite.

 

     2.1.3     – Le Temps

2.1.3.1 – Le prix du temps

On pourrait se lancer dans des considérations sur la valeur du temps, mais ça ne serait pas bien raisonnable…. Contentons nous de parler du prix que l’on peut y faire correspondre dans le cadre de mon travail.

Quand je pratique mon travail dans mon domaine d’expertise, je pense que mon temps est comparable à celui d’un plombier. Mon plombier me facture 58€/heure. Je partirai donc d’une base de 58€/heure.

Quand je suis dans un mode de travail « non spécialisé », par exemple quand je suis en cours de trajet pour un déplacement et que mon temps n’est pas spécifique, je compte seulement 10€/h.

Quand je suis dans un domaine hors expertise, par exemple pour la communication ou la représentation (lors d’un salon par exemple), mon temps n’a pas tout à fait la même valeur. Je prendrai un taux horaire moyen entre les deux précédents de 34€/h.

2.1.3.2 – Temps de travail sur la sculpture elle-même – 1089€

Le temps à considérer est multiple. Il s’agit, bien entendu du temps de travail sur la sculpture, lequel commence en général par une séance d’ébauchage avec des modèles vivants, puis se poursuit par le façonnage à mon atelier, suivi du vidage, puis de la fin du façonnage et de la gestion du séchage. Il y a ensuite le temps pour la cuisson

Ebauchage – 196€

Je fais mes ébauches devant des modèles vivants que je rencontre hebdomadairement à St Egrève (140 km A/R). Nous sommes parfois 3 dans le véhicule, je suis parfois tout seul, mais le plus souvent nous sommes deux à covoiturer. Si l’on prend un coût par km de 0.5€ environ, on arrive au coût du déplacement pour ma part de (140×0.5)/2=35€, à diviser entre les 3 ébauches que je fais en moyenne dans la journée, soit environ 12€/ ébauche de déplacement
Pour une journée, d’où je reviens parfois avec 3 ébauches, je pars vers 8h30 et reviens vers 21h30. Il y a environ 9 h de « travail artistique », 3 h de transport et une heure de repas. Je ne compte pas le temps de repas, puisque je l’aurais pris même pendant un congé. Nous avons donc, pour chacune des trois ébauches de sculptures un total de (9×58 + 3×10 )/3 = 184€ par ébauche de temps de travail

Nota : pour les quelques sculptures que je fais sans modèle vivant, on peut considérer que la phase de maturation du projet compense la dépense faite pour les ébauchages devant modèle.

Façonnage – 464€

Le temps moyen de travail pour la première phase de façonnage de l’ébauche est d’environ 8 heures. Cela correspond à un coût de 58×8=464€

Vidage – 174€

Cette phase technique est indispensable pour le travail dans la masse, qui ne pourrait pas être mené à terme sans réduire les épaisseurs de terre.

En moyenne, je passe environ 3 heures pour une sculpture de taille moyenne, d’où un coût de 58×6=174€

Fin de façonnage – 116€

Il reste environ 2 heures en moyenne de travail pour les reprises de façonnage et le travail sur les surfaces de la sculpture., soit 58×2=116€

Gestion du séchage – 58€

Entre les protections, les ré humidification et les déplacements de la sculpture, je passe environ 1 heure par sculpture en moyenne.

Cuisson (temps) – 81€

Le chargement du four est une phase délicate, qui me prend environ 2 heures. La fermeture du four (reconstitution du mur de briques légères, réglage des cales de la cloche, essais des brûleurs prend environ 1/2h. Le temps effectif passé au pilotage du four sur une cuisson de 25 heures est de l’ordre de 3 heures cumulées, le démontage pour ouverture prend ½ de nouveau et le déchargement est plus rapide que le chargement et ne prend qu’une heure environ. Le temps total pour la cuisson est donc de 7 heures, pour une moyenne de 5 sculptures. Le coût par sculpture est donc de (58×7)/5 = 81€.

Quid des accidents, des sculptures avortées ou brisées ?

Dans ma façon de travailler, comme je considère que mes sculptures sont vivantes, je ferai tout mon possible pour amener chacune à terme. J’ai donc très peu de sculptures avortées.
Par contre, quand les choses se compliquent dans la gestation, le temps qui y est consacré devient très différent des moyennes évoquées dans les calculs.
Ayant maintenant suffisamment d’expérience, je peux me permettre de négliger ces cas particuliers dans le calcul.
Cependant, ces cas-là ont pour moi, quand la sculpture arrive à terme en m’ayant demandé trois fois plus d’attention que d’habitude, une valeur qui n’est évidemment pas dans la moyenne non plus.

2.1.3.3 – Temps et coûts hors travail de sculpture lui-même – 1086€

Ce temps comprend principalement à la commercialisation des sculptures.
Il est lui aussi très multiple. Il y a le temps et les coûts passés pour la communication, le temps et les coûts associés aux expositions et salons, le temps et les coûts associés aux galeries, le temps et les coûts se rapportant aux événements personnels (festivals au Temple de la Femme).

Temps de Communication – 289€

Je passe un temps considérable à la communication, que ce soit sur mes sites internet, sur Facebook, au téléphone ou dans la discussion avec des collègues sur le sujet, en particulier dans le cadre associatif. Au bas mot, je passe autant de temps à communiquer qu’à travailler.
Par simplification, je compte dans la communication tous les contacts et préparatifs des salons, expositions et événements, ainsi que le travail de communication entre professionnels dans le cadre associatif. En gros, tout le temps que je passe devant mon ordinateur, avec mes paperasses ou en réunion ou au téléphone sur le sujet de la commercialisation céramique.

Les coûts liés à cette communication sont difficiles à estimer, les matériels servant aussi à d’autres choses (utilisation personnelle de l’ordinateur par exemple). On les néglige à ce stade.

Grosso modo, je passe entre 1 et deux heures par jour tout au long de l’année en moyenne, soit, pour 34€/h : 365×1.5×34=18 768€ Ce chiffre astronomique doit être ramené à chaque sculpture. On peut considérer que je fais naître en moyenne environ 65 sculptures par an (650 sculptures crées depuis 2010).

D’où un coût moyen par sculpture de 18 768/65 = 289€

Coûts de représentation en manifestations moyennes – 143€

Sachant que j’ai eu l’occasion d’exposer en Autriche, aux Pays-Bas et même en Australie, aussi bien que dans les villes alentour de mon atelier, cet exercice est délicat.
Une manifestation « moyenne » serait pour une durée de 4 jours, pour une quinzaine de sculptures, dans un rayon de 200km (0.5€/km), avec en général au moins deux A/R, un temps de trajet moyen de 1h30/100km (à 10€/h), un temps de montage de 4 heures, 3 heures de démontage un temps pour le vernissage de 3 heures et un temps de permanence de 8heures (toutes à 34€/h). Avec un coût moyen de participation de 200€
Le coût d’une de ces manifestations est donc de 200x2x2x0.5 + 200x2x2x1.5/100×10 + (4+3+3+8)x34 + 200 =1332€ par manifestation.
Je pratique plus de 10 manifestations moyennes par an depuis 2014, soit un coût total de plus de 1332x10x7=93 240€. Si on le ramène au coût moyen par sculpture pour les 650 sculptures créées jusqu’en 2020, on obtient 143€/sculpture

Coûts de représentation en salons internationaux – 538€

Pour un salon international, le déplacement moyen est typiquement Paris sur 3 jours, soit environ 560 km et 35€ de péage et 6 heures de voyage aller 560x2x0.5+35×2+ 6x10x2=750€ de déplacement.
L’inscription est d’environ 2000€.
Le temps de chargement du camion, de montage sur place, de représentation sur place, de démontage et de déchargement du camion est de (3+3+9×3+3+3)x34=1326€
Les frais d’hébergement sont en moyenne de 300€.
D’où me coût total pour un salon de 4376€. J’ai fait en moyenne 2 salons par an depuis 2013, soit 35008€ au total. Donc, ramené aux 650 sculptures créées, soit 538€/sculpture

Les autres représentations ne seront pas considérées ici, car très différentes les unes des autres (festivals organisés au Temple de la Femme, expositions en galeries), et assez peu fréquentes.

     2.1.4 – La disposition de l’atelier – 55€

Il est nécessaire de considérer pour partie l’achat de mon atelier dans le coût des sculptures, puisque ceci me permet de disposer d’un atelier. Pour cette estimation, je vais utiliser le coût locatif estimé de 300€/mois, soit 3600€/an, ramené à 65 sculptures créées, on obtient 55€/sculpture.

      2.1.5 – La disposition du Temple de la Femme – 61€

Le Temple de la Femme représente l’effort de 4 ans de travail et d’investissement. Le coût peut en être estimé au bas mot à 40 000€.

Il sert d’écrin à l’ensemble des sculptures qui ont été créées, et son coût par sculpture est donc de 40000/650=61€ par sculpture.

      2.1.6 – L’activité professionnelle dans le monde associatif

Un temps considérable est passé en participation à de nombreuses associations professionnelles que ce soit au niveau très local avec les « Ambassadrices du Temple de la Femme » (ATF), au niveau « départemental » avec la galerie associative « Terre d’Art » à Vienne (38), au niveau régional avec « D’Argiles », association des potiers et professionnels de Rhône-Alpes, et au niveau national, avec le « Collectif National des Céramistes » (CNC).

Faisant partie du Conseil d’Administration de ces 4 associations, le temps de travail est considérable.

Mais il n’est pas nécessairement justifié de l’intégrer dans le coût des sculptures, dans la mesure où ces participations sont « bénévoles » dans leur principe.
Mais si l’on considère que la vie associative est un élément très nécessaire puisqu’il est déterminant pour bien être, voire de la survie (cas des démarches pour survivre à des réglementations inadaptées) des ateliers de céramistes, le fait de ne pas considérer ce temps comme un véritable temps de travail est discutable.

     2.1.7 – Conclusion sur le coût objectif d’une sculpture

Matériaux : 20 €
Matériels : 44 €
Temps de travail de sculpture : 1089 €
Coûts hors travail de sculpture (communication – Représentation) :  1086 €
Disposition de l’Atelier : 55 €
Disposition du Temple de la Femme : 61 €

Total :  2 355 €

Le coût objectif d’une de mes sculptures de taille moyenne, qui pèserait environ 20kg est de 2 355 €

 

  2.2 – LA « VALEUR » DE LA « CREATION »

Le coût estimé dans les calculs arithmétiques ci-dessus sont à peu près pertinents pour déterminer le prix d’un objet manufacturé.
Mais on ne peut pas attribuer la même « valeur » à une pièce réalisée dans une usine céramique et à une autre, de qualité technique objective comparable, fabriquée en pièce unique ou en toute petite série dans un atelier d’artisan.
De même, on ne pas donner la même valeur à la copie manufacturée de très belle qualité d’une sculpture et à la création unique d’un artiste sculpteur de qualité technique comparable.
Cela semble évident, mais qu’est-ce précisément qui « vaut » différemment ?

On pourrait dire que l’action créatrice a une valeur intrinsèque, c’est simple et efficace, mais bien peu utile pour ce qui est de « quantifier » en termes de prix.
D’ailleurs, quand on observe le « marché de l’art », on n’est pas beaucoup plus avancé, tant les modes et les artifices circonstanciels introduisent des distorsions des prix qu’il est même souvent difficile de justifier en termes de « valeur » d’une œuvre.

En ce qui concerne mes sculptures, qui ont été conçues pour la plupart devant des modèles vivants en mouvement, je prétends qu’elles sont « vivantes et animées ». C’est la singularité que je tente de mettre en avant dans ma démarche de création, et c’est sur ce point fondamental que je veux continuer à faire une différence avec des « objets », parfois magnifiques ou merveilleux, mais dépourvus de vitalité propre.

Alors bien sûr, on est tout de suite en difficulté d’attribuer une valeur à une sculpture « animée »… Comme si la vie pouvait avoir « un prix » !

Pour ma part, je suis dérouté et bien incapable de disserter profondément.
Je me contente de considérer que la valeur de mes sculptures dépasse largement leur coût objectif, et de ne pas trop en souffrir dans la mesure où, dans le principe, je ne fais pas des « ventes », mais des « mariages ».

3 – CONCLUSIONS – LE PRIX DE MES SCULPTURES

Si j’avais simplement l’ambition de vivre « comme tout le monde », avec un salaire correspondant à celui d’un plombier par exemple, en faisant fi de la « valeur ajoutée » de la créativité nécessaire à l’éclosion d’œuvres uniques, originales et authentiques, je devrais appliquer a minima les prix correspondant aux coûts objectifs.

Les lois du commerce étant ce qu’elles sont, je suis aujourd’hui contraint de proposer des prix pour mes sculptures qui sont nettement en deçà de leur coût objectif, puisque le prix actuel d’une sculpture « moyenne » d’une vingtaine de kg est plus près de 1800€ que des 2355€ calculés.

Cependant, cela ne me pose pas trop de problème.
D’une part parce que mes ambitions, en tant qu’artiste, sont plus axées sur  la qualité de ma vie que sur des « quantités » liées aux moyens financiers (inutile de sortir de mouchoir, j’ai la chance de ne pas être dans le besoin).
D’autre part, tant que je suis « porté » par mon travail, on ne peut pas dire que j’aie à me plaindre. Je dis volontiers, et sincèrement, que je sculpte à peu près tout le temps, mais que je ne « travaille » à peu près jamais.
Par ailleurs, les prix dépendant considérablement de la renommée de l’artiste, c’est simplement que je ne suis pas encore suffisamment connu, et donc pas encore en mesure de faire valoir le prix réel, qui serait bien supérieur à celui calculé. Cette fameuse renommée peut être alimentée de différentes manières. Je me contente de celles qui sont cohérentes avec mon éthique, ce qui suppose par conséquent beaucoup de patience. Alors je m’entraine surtout à la patience…

De plus, cette renommée notoire, pour désirable et attirante qu’elle paraisse, je sais bien qu’elle devient vite un obstacle à la vie simple qui m’est chère, … alors je ne suis pas si pressé que ça…

 

Nota : Si ces réflexions vous amènent à des réactions ou des compléments de questionnement, je suis à votre disposition via le formulaire de contact ou par Email, pour échanger sur ce sujet parfois tabou dans nos sociétés, alors qu’il mériteraient un bien meilleur éclairage pour que l’outil « argent » et l’échange commercial reprennent leur juste place, voire leur noblesse.